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Tribune: L’emploi au Maroc, du sous-emploi au faible entrepreneuriat

Tribune: L’emploi au Maroc, du sous-emploi au faible entrepreneuriat

La situation du marché de travail marocain est en dégradation continue, face à une croissance économique assez faible et peu créatrice des emplois.

 

Youssef Guerraoui Filali
Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le
Management​​​​​​

Les secteurs qui génèrent de la croissance se composent, essentiellement, d’activités à faible main d’œuvre qualifiée et qui stagnent face au développement de l’économie numérique et l’intelligence artificielle telles que l’agriculture, l’industrie extractive, le textile, et les bâtiments et travaux publics.

L’inadéquation formation-emploi constitue en effet un blocage pour l’insertion en marché de travail. L’offre de formation est en déphasage avec les besoins réels des entreprises. Il s’agit d’unparadoxe, puisque d’un côté les recruteurs cherchent des compétences et d’un autre côté les demandeurs d’emploi souffrent pour décrocher des postes. Sans oublier la législation du travail qui n’est pas souple et qui n’encourage pas à embaucher.

Par ailleurs, le poids du secteur informel, estimé à plus de 30% du Produit Intérieur Brut marocain, impacte négativement la création nette des emplois et favorise le sous-emploi. L’informel fragilise la stabilité de l’emploi puisqu’il ne s’agit guère de contractualisation et de couverture sociale. Les derniers chiffres du Haut-Commissariat au Plan mettent en exergue le développement du sous-emploi au Maroc, composé de personnes qui travaillent de manière temporaire ou partielle que ça soit en milieu urbain ou rural, et qui est passé de 9,6% pour le 2 ème Trimestre 2024 à 10,6% pour le 2 ème Trimestre de l’an 2025.

D’autres facteurs conjoncturels impactent sans doute l’emploi au Maroc. Il s’agit, essentiellement, des impacts indirects des tensions géopolitiques mondiales sur les exportations d’articles tels que les matières premières et les produits pétroliers, des effets de reprise post crise sanitaire Covid-19 sur certains secteurs du tissu entrepreneurial tels que le textile et l’artisanat, ainsi que la sécheresse devenue structurelle ces dernières années suite aux changements climatiques
causés par les émissions élevées et continues de gaz à effets de serre.

Dans le même ordre d’idées, les investissements à faible impact immédiat sur l’emploi, tels que les grands projets structurels que ça soit en infrastructures ou en industrie, et qui demeuraient essentiels pour le Maroc durant les trois dernières décennies, créaient de l’emploi temporaire en phase de construction et démarrage mais peu de postes en phase d’exploitation. La négligence des investissements productifs pourvoyeurs des postes d’emploi, par plusieurs Gouvernements qui se sont succédés au Pouvoir, a conduit à des niveaux de chômage élevés au niveau national, ainsi que pour les catégories des jeunes et des femmes.

En se référant aux chiffres du HCP, entre le deuxième trimestre de l’année 2024 et celui de l’an 2025, l’économie marocaine a créée 113.000 postes en milieu urbain, mais a perdu 107.000 postes en milieu rural. Ainsi, le volume global de l’emploi a augmenté de 5.000 postes, après avoir perdu 82.000 postes une année auparavant.

Par type d’emploi, au 2 ème trimestre de l’année 2025, 132.000 emplois rémunérés ont été créés au niveau national contre une perte de 126.000 emplois non rémunérés en milieu rural puis urbain. De ce fait, Le nombre de chômeurs a reculé de 38.000 personnes entre le deuxième trimestre de l’année 2024 et celui de 2025, passant de 1.633.000 à 1.595.000 chômeurs.

Mais en dépit, la situation globale du chômage reste inquiétante au Maroc. Si le taux de chômage est ainsi passé de 13,1% à 12,8% au niveau national (-0,3 point), de 16,7 % à 16,4% en milieu urbain (-0,3 point) et de 6,7% à 6,2% en milieu rural (-0,5 point), ledit taux reste plus élevé parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans soit 35,8%, chez les diplômés soit 19%, ainsi que les femmes soit 19,9%.

S’agissant de la répartition spatiale du taux de chômage,  les plus élevés sont observés dans les régions du Sud soit 25,7%, et de l’Oriental soit 21,1%, ainsi que la Région Fès- Meknès soit 16,2%. Cette situation s’explique par le fait que ces régions n’abritent pas assez d’activités économiques permettant de créer une dynamique d’emploi au niveau régional et local.

L’essentiel de l'activité économique reste concentré au niveau de l’axe Tanger-Casablanca-Settat et qui subit une pression énorme en matière d’absorption du chômage. Par conséquent, les régions sur cet axe connaissent les dernières années des taux de non-emploi élevés, vu le déséquilibre entre la création et la demande d’emploi.

Pour ce qui de l’entrepreneuriat, les difficultés que rencontrent les porteurs de projets et stratuppers, les entravent à développer davantage leurs projets et par conséquent à étoffer les équipes et recruter les jeunes et moins jeunes. Plusieurs obstacles contraignent le développement de l’entrepreneuriat au Maroc tels que le faible accès au financement des cycles investissement et exploitation, le manque d’accompagnement technique pour l’accès aux différents marchés publics ou privés, ainsi que la concurrence déloyale et sans oublier le poids de l’informel.

Ainsi, le tissu entrepreneurial marocain, composé essentiellement des petites et très petites entreprises (TPME), subit les conséquences de l'économie de rente et le monopole des secteurs clés par les moyennes et grandes entreprises. Lesdites TPME n’arrivent pas à honorer durablement les dépenses de fonctionnement (loyers, salaires, matières et fournitures, etc.), et la majorité d’entre elles disparaissent après 5 ans d’existence, ce qui ne leur permet pas de contribuer à la baisse significative du taux de chômage dans la catégorie des jeunes. Encore pire, la liquidation ou la dissolution desdites TPME engendre une destruction au niveau des postes d’emploi rémunérés.

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