Le statut d’auto-entrepreneur au Maroc perd de son attrait d’année en année. Pour remédier à cette situation, les experts préconisent un ensemble de mesures. Détails
Par M. Ait Ouaanna
Visiblement, le statut d’auto-entrepreneur au Maroc ne séduit plus. Chiffres à l’appui, en 2022, le nombre de nouvelles adhésions a chuté de 34% par rapport à 2021, en passant de 86.023 à 56.699 nouveaux détenteurs dudit statut. Un chiffre susceptible de poursuivre sa tendance à la baisse suite notamment à l’introduction en 2023 d’une imposition de 30% sur le revenu des auto-entrepreneurs dépassant 80.000 dirhams avec un même client sur un an.
Alors qu’il a été lancé en 2015 pour lutter contre l’informel et dynamiser l’économie nationale en stimulant l’entrepreneuriat et en améliorant l’employabilité des jeunes, le statut d’auto-entrepreneur est aujourd’hui perçu par certains experts comme un «véritable fiasco». Certes, ce régime encadré par la loi n°114.13 avait démarré sur de bons rails, puisqu’au cours de sa première année de déploiement, le nombre d’inscriptions a largement dépassé l’objectif fixé, mais ces dernières années, cette tendance s’est pratiquement inversée.
Selon Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE-PME, cette situation s’explique notamment par une conjoncture économique difficile marquée par une succession de crises ayant conduit à l’inflation et à l’augmentation du prix des carburants et des matières premières. Notre interlocuteur estime également qu’un «manque d’accompagnement de ces types d’entrepreneurs par l’État, les institutions financières ainsi que les organisations patronales», a également contribué à «l’échec» de ce régime.
De surcroît, El Fergui souligne que de nombreux adhérents ont demandé leur radiation du registre national de l'auto-entrepreneur à cause du plafond de 80.000 dirhams de chiffre d'affaires avec un seul client. Et de noter que cette imposition «constitue un obstacle majeur face à la pérennité des activités des auto-entrepreneurs». Par ailleurs, le président de la Confédération marocaine de TPEPME fait remarquer que la hausse du nombre de nouveaux contribuables entre 2019 et 2020 n’est que la conséquence du lancement du programme Intelaka, suite auquel plusieurs personnes ont été contraintes d’avoir une carte d’auto-entrepreneur.
«Le nombre d’adhérents au registre des auto-entrepreneurs a considérablement augmenté après le lancement du programme Intelaka fin 2019 en raison des banquiers qui incitaient les porteurs de projets à s’y inscrire avant même l’étude de leurs dossiers. Mais suite aux nombreux refus de financement, la plupart de ces adhérents ont choisi de résilier leur statut, et cette même situation s’est produite avec le programme Forsa», précise-t-il. Afin de rendre le statut d’autoentrepreneur plus attractif et plus avantageux pour ses adhérents, Abdellah El Fergui relève que plusieurs mesures peuvent être envisagées.
«Il serait judicieux de mettre en place des incitations fiscales et financières, ainsi que des avantages au niveau de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Par exemple, il serait possible d’accorder aux auto-entrepreneurs des délais de paiement des impôts et des cotisations CNSS étalés sur une ou deux années, leur permettant ainsi de se concentrer sur la recherche de clients et de commandes, sans se soucier des paiements fiscaux et sociaux pendant cette période. Il convient de rappeler que l’un des avantages majeurs de ce statut lors de son lancement était la couverture sociale gratuite», suggère-t-il.
De plus, El Fergui souligne la nécessité de revoir le plafond de 80.000 dirhams avec un seul client, «en l’augmentant à 150.000 dirhams ou au moins 100.000 dirhams». Et de noter que cette mesure «permettrait aux auto-entrepreneurs de développer leur activité et d’augmenter leur potentiel de revenus». Dans le même ordre d’idées, le président de la Confédération appelle à la mise en place de programmes de financement spécialement dédiés aux auto-entrepreneurs.
«Les associations de microcrédit pourraient également jouer un rôle important en proposant des taux d’intérêt réduits, afin de soutenir financièrement les auto-entrepreneurs, surtout avec l’augmentation du plafond des microcrédits de 50.000 DH à 150.000 DH», poursuit-il. Aussi, El Fergui attire l’attention sur l’importance de mettre en œuvre le quota de 10% des commandes publiques destinées aux auto-entrepreneurs et aux coopératives. Et de soutenir que «cette mesure annoncée en 2019 par l’ancien ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, favoriserait l’accès des auto-entrepreneurs aux marchés publics et stimulerait ainsi leur activité économique».
In fine, Abdellah El Fergui indique que ces mesures doivent nécessairement être accompagnées par des programmes de soutien et de formation ainsi que des séminaires sur la gestion d’entreprise, la comptabilité ou encore les techniques de communication, de commercialisation et de vente. Ces formations vont, selon lui, permettre aux auto-entrepreneurs de développer leurs compétences et d’améliorer la gestion de leur activité.