En reconnaissant, dès 2020, la souveraineté du Maroc sur le Sahara, Donald Trump a donné le signal d’un tournant diplomatique majeur dont la résolution 2797 de l’ONU, adoptée le 31 octobre 2025, marque aujourd’hui l’aboutissement. Du Sahara à Gaza, le président américain démontre, sous des dehors fantasques, un pragmatisme redoutablement efficace qui rebat les cartes du jeu international.
Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies adoptait, à New York, une résolution historique soutenant le processus politique fondé sur le plan d’autonomie présenté par le Maroc en 2007, considéré comme une base sérieuse et crédible pour parvenir à une solution politique au différend régional sur le Sahara. Pour la première fois donc, le plan d’autonomie proposé par le Royaume est sanctuarisé, devenant un référentiel diplomatique reconnu à travers le monde entier, qui va insuffler une dynamique nouvelle dans un conflit qui a duré un demi-siècle.
Dans ce contexte, l’implication de Donald Trump mérite d’être regardée avec lucidité. On le qualifie souvent de versatile et d’imprévisible, tant ses décisions détonnent. Toutefois, dans ce dossier comme dans celui de Gaza, on peut dire qu’il a fait preuve d’un réalisme stratégique rarement associé à son style.
Il ne s’est pas contenté d’effets d’annonce : en décembre 2020, l’administration américaine reconnaissait la souveraineté du Maroc sur le Sahara, ouvrant un nouveau chapitre diplomatique.
Le lien entre cette reconnaissance et l’évolution vers la résolution 2797 de l’ONU est évident : en soutenant fermement l’initiative marocaine, les Etats-Unis ont fait valoir une trajectoire diplomatique claire, qui a trouvé son point d’aboutissement institutionnel avec la résolution du Conseil de sécurité. Cette initiative a permis de replacer Rabat dans une position de force renouvelée.
Par ailleurs, c’est ce type de logique pragmatique que le président américain le plus clivant de l’histoire moderne a appliqué à Gaza. Sous sa houlette, une trêve a vu le jour entre le Hamas et Israël le 10 octobre dernier. Un cessez-le-feu fragile, certes, mais bien réel. Et voici que Washington pousse à l’ONU un plan ambitieux : la création d’un «Comité de la paix» présidé par… Donald Trump lui-même, et une force internationale autorisée à «user de toutes les mesures nécessaires» pour stabiliser Gaza.
Ironie de l’histoire : celui que l’on disait allergique au multilatéralisme s’appuie désormais sur les Nations unies pour légitimer sa vision d’un Moyen-Orient remodelé. Pragmatique ou opportuniste ? Peut-être les deux. Mais force est de constater que ce plan de paix, soutenu par plusieurs pays arabes et musulmans, redonne à Gaza un horizon, fût-il encore lointain.
Le projet américain prolonge le mandat de la force internationale jusqu’à fin 2027. Trois ans pour désarmer le Hamas, reconstruire Gaza et préparer le retour d’une Autorité palestinienne réformée. Trois ans pour passer de la guerre à la gouvernance.
Ainsi, même s’il est souvent beaucoup critiqué par ses détracteurs, Trump a su faire avancer considérablement deux dossiers réputés pratiquement insolubles en positionnant chaque fois les Etats-Unis comme catalyseurs d’une solution.
Bien sûr, il reste du chemin. Pour Gaza, l’accord est encore fragile. De même, la résolution 2797 ne met pas un point final au dossier du Sahara marocain, mais elle acte la voie vers une solution politique durable, sur fond de consensus international.
Le message donné est donc fort : un vieux conflit peut être redéfini si l’on ose sortir des sentiers battus. Pour le Maroc, pour l’Amérique, pour la diplomatie tout court, c’est un enseignement : l’efficacité tient parfois à l’audace, à l’instant opportun et à la volonté de redéfinir le cadre avant même de négocier le texte.
Et c’est peut-être là, au fond, que réside tout le paradoxe de Donald Trump : derrière le brouhaha des tweets, les colères feintes et les postures de tribun, se cache un sens aigu du réel. Ce que d’aucuns appellent l’imprévisibilité n’est souvent que l’expression brute d’un pragmatisme décomplexé; celui d’un homme qui préfère les résultats aux doctrines et les avancées concrètes aux sermons diplomatiques.
Et si l’histoire finit par retenir de lui un style déroutant, elle devra aussi admettre qu’il a su, parfois, faire ce que d’autres avaient renoncé à tenter : imposer le réalisme comme moteur de la paix. Cette paix qu’il prône toujours. Même s’il n’a pas pu avoir le Nobel.
F. Ouriaghli