Lundi 22 juillet, le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, s'est félicité devant la Chambre des représentants d'un taux d'insertion professionnelle de 90% pour les diplômés de la formation professionnelle, trois ans après l'obtention de leur diplôme.
À première vue, ces chiffres semblent traduire un succès indéniable des politiques de formation et d'emploi du gouvernement. Pourtant, derrière cette communication triomphante, la réalité du marché du travail marocain, révélée par les chiffres du haut-commissariat au Plan (HCP), est bien plus sombre.
En effet, le taux d'insertion professionnelle mis en avant par le ministre de l'Inclusion économique ne reflète qu'une partie du tableau, et occulte les difficultés persistantes rencontrées par de nombreux diplômés, en particulier ceux issus de l'enseignement supérieur.
Des métriques différentes, une réalité contrastée
En réponse à une question orale sur les diplômés de la formation professionnelle et des établissements universitaires, Sekkouri a souligné que le taux d'inclusion de ces diplômés s'élève à 70% immédiatement après obtention du diplôme et dépasse 80% pour certains établissements de formation, tandis que ce taux atteint 90% trois ans après obtention du diplôme.
Le ministre a également mis en avant des taux d'insertion spécifiques impressionnants dans des secteurs prometteurs : 81,4% dans l'industrie automobile, 70% dans le secteur de l'électricité et 66% dans celui de…l'intelligence artificielle.
Ces chiffres, bien que positifs, méritent un examen plus critique. En effet, ils se concentrent uniquement sur les diplômés de la formation professionnelle, un sous-groupe spécifique et souvent mieux préparé aux besoins immédiats du marché du travail grâce à une formation plus pratique et orientée vers l'emploi.
En revanche, les chiffres du HCP incluent une population beaucoup plus large, dont de nombreux diplômés universitaires qui peuvent avoir des difficultés à trouver un emploi correspondant à leur qualification.
De plus, les statistiques du ministère se basent sur une période de trois ans après l'obtention du diplôme, incluant ainsi des emplois trouvés bien après la fin de la formation. Le taux de chômage du HCP, quant à lui, est une mesure instantanée de la situation actuelle, reflétant les jeunes diplômés qui sont actuellement sans emploi et en recherche active.
En 2023, les indicateurs de chômage et de sous-emploi des jeunes Marocains révèlent une situation alarmante. Le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans atteint un inquiétant 35,8%, tandis que celui des diplômés de l'enseignement supérieur s'élève à 19,7%.
Cette situation dénote d’un décalage préoccupant entre les compétences acquises durant les années d'études et les besoins réels du marché du travail, et contribuent à un sentiment d'inefficacité et de frustration parmi les jeunes diplômés.
L'un des indicateurs les plus alarmants est sans doute la proportion de jeunes NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation), qui représente 25,2% des 15-24 ans. Cette catégorie regroupe des jeunes souvent désillusionnés, ayant perdu confiance en la capacité des institutions à leur offrir des perspectives d'avenir.
Leur exclusion du marché du travail et du système éducatif est un signal fort de dysfonctionnement social et économique.
Le sous-emploi touche également une part importante des jeunes, en particulier ceux ayant un niveau d'éducation faible. Entre 2022 et 2023, le volume du sous-emploi est passé de 972.000 à 1.043.000 personnes, avec un taux de sous-emploi national passant de 9% à 9,8%. Ce phénomène est particulièrement visible en milieu rural, où il atteint des niveaux critiques.
La durée moyenne de recherche d'emploi, qui est passée de 33 à 32 mois entre 2022 et 2023, illustre les difficultés persistantes rencontrées par les jeunes pour accéder à un emploi stable. Cette longue période de chômage représente non seulement une perte de compétences et de motivation, mais aussi un poids économique et psychologique considérable.
Des politiques à repenser
Bien que le ministère mette en avant des programmes tels que «Idmaj », «Tahfiz» et «Awrach», qui ont permis à de nombreux jeunes d'accéder au marché du travail, ces initiatives semblent insuffisantes pour résoudre le problème plus large du chômage des jeunes diplômés.
Il est crucial que les politiques publiques soient réorientées pour répondre véritablement aux besoins de cette population. Cela implique une réforme profonde du système éducatif pour aligner les formations sur les besoins du marché, la création d'opportunités d'emploi décent et la mise en place de mécanismes d'accompagnement efficace pour les jeunes en quête d'emploi.
Quoiqu’il en soit, la communication gouvernementale se doit d'être transparente et honnête, en présentant un tableau complet de la situation de l'emploi des jeunes. Il est tout autant primordial de ne pas occulter les difficultés rencontrées par de nombreux diplômés, afin de pouvoir élaborer des politiques publiques adaptées et efficaces.