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Fonder une famille au Maroc : Trop cher pour être père, trop fatiguée pour être mère

Fonder une famille au Maroc : Trop cher pour être père, trop fatiguée pour être mère

S’il est une image que l’on aime coller au Maroc, c’est bien celle d’un pays jeune et dynamique. Pourtant, le Royaume entre doucement mais sûrement dans un nouveau chapitre de son histoire démographique. C’est ce que nous rappelle le Rapport sur l’état de la population mondiale 2025 publié par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Ce rapport, présenté mercredi dernier à Rabat, s’attarde sur ce que l’on nomme désormais «la véritable crise de la fécondité» : une crise du choix, du libre arbitre et de la capacité à fonder une famille quand et comme on le souhaite. Les chiffres rendus publics en disent long sur cette situation.

En 1960, les Marocaines avaient en moyenne 7,2 enfants. En 2025, elles en ont à peine 1,97, soit en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme). Ce n’est pas un accident démographique. C’est une tendance lourde. 

Elle est nourrie par une modernisation accélérée : l’âge moyen du mariage est passé de 17 à 25 ans, l’usage de la contraception est généralisé (71% contre 8% en 1960) et l’espérance de vie s’allonge doucement, pour flirter avec les standards des pays avancés.

Mais ce n’est pas tout. Le Maroc connaît une inversion progressive de sa pyramide des âges : la population des moins de 15 ans diminue et passera de 26% en 2024 à 21% à l'horizon 2030; et celle des plus de 60 ans progressera de 5,1 millions à 6,1 millions pour représenter 15% de la population contre 13% actuellement. Le vieillissement est donc en marche, suivi naturellement de la pression sur le système de protection sociale.

 

La finance s’en mêle

La baisse de la fécondité, souvent lue comme un progrès, recèle aussi des frustrations. C’est ce qui ressort des données de l’enquête UNFPA/YouGov réalisée dans 14 pays, dont le Maroc : 33% des Marocains de plus de 50 ans déclarent avoir eu moins d’enfants qu’ils ne le souhaitaient. 

Et chez les plus jeunes, près de 37% affirment qu’ils n’ont pu avoir un enfant au moment voulu, tandis que 51% ont vécu une grossesse non intentionnelle. Un chiffre supérieur à la moyenne mondiale.

Pourquoi ce décalage entre le désir et la réalité ? La réponse est sans appel : près de la moitié des répondants invoque des contraintes financières. Le logement coûte trop cher, l’emploi est précaire et les services de garde d’enfants sont rares. 

Et comme le souligne la représentante de l’UNFPA au Maroc, Marielle Sander, «contrairement aux gros titres alarmistes sur un effondrement démographique, ce rapport nous rappelle que le véritable enjeu n’est pas le nombre d’enfants que les gens ont, mais les raisons pour lesquelles ils n’ont pas autant d’enfants qu’ils le souhaiteraient». 

Et de souligner qu’«à l’échelle mondiale, une personne sur cinq a moins d’enfants que désiré. Au Maroc, c’est une personne sur trois, près de la moitié invoquant des pressions financières».

Il reste néanmoins une lueur d’espoir. Le Maroc est aujourd’hui dans une phase d’«aubaine démographique», comme le martèle le directeur du Centre d'études et de recherches démographiques (CERED), Mohamed Fassi Fihri. Les 15-60 ans, notamment la population active, représentent en effet une large part des citoyens. Mais cette fenêtre se refermera à partir de 2030. D’ici là, tout dépendra de ce que le pays fera de son capital humain.

Et les défis sont nombreux : le marché du travail reste faiblement inclusif, surtout pour les femmes, dont le taux de participation est inférieur à 17%, l’inadéquation entre formation et emploi persiste et les jeunes peinent à s’insérer. 

Dans ce contexte, l’appel à une réforme structurelle prend tout son sens. Comme l’a déclaré Chakib Benmoussa, haut-commissaire au Plan, les dynamiques démographiques actuelles appellent à une anticipation renforcée des politiques publiques.

 

Et la famille dans tout ça ?

Le paradoxe est là : alors que la famille reste au cœur de l’identité marocaine, elle est vécue par beaucoup comme un poids. Surtout par les femmes, qui en assument toujours l’essentiel. 

L’UNFPA plaide donc pour un «nouveau pacte social», basé sur le partage des responsabilités domestiques, l’investissement dans l’économie du soin et des politiques pro-famille dignes de ce nom : congé parental payé, soutien à la garde d’enfants, horaires flexibles et couverture santé inclusive.

Car au fond, et c’est là que réside l’essence du débat, il faut permettre aux Marocains d’avoir une vie familiale qui ne soit pas un parcours du combattant. Faire en sorte que la maternité ou la paternité ne soit plus synonyme de renoncement professionnel, de stress financier ou d’épuisement moral.

En définitive, quels enseignements peut-on tirer de ce rapport ? Au lieu de se cantonner à vouloir forcément faire des courbes de fécondité des indicateurs de performance nationale, il nous propose une autre approche : se concentrer sur les aspirations individuelles.

C’est peut-être ça, le vrai progrès. Ne plus mesurer le développement à l’aune du taux de natalité, mais à celui du bonheur parental. Pour dire que c’est en redonnant aux Marocains les moyens d’agir sur leur vie (logement, emploi, santé, égalité…), qu’on relancera, peut-être, le désir d’avoir un enfant.

 

 

F. Ouriaghli

 

 

 

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