En dépit de la baisse des exportations marocaines de l’habillement vers l’Union européenne, le Royaume parvient à maintenir sa position de huitième fournisseur de l’UE et de premier exportateur africain vers le marché communautaire.
Par M. Ait Ouaanna
Les chiffres disponibles ne laissent aucun doute : les exportateurs marocains dans le domaine de l’habillement subissent en ce moment une mauvaise passe. Après avoir observé une hausse significative, s’élevant à 24% en 2021, puis à 19,6% en 2022, les exportations marocaines de l’habillement vers l’Union européenne (UE), principal marché du Royaume, fléchissent.
A en croire les données publiées par l’Office statistique de l’UE, Eurostat, cette baisse est de l’ordre de 14,2% en 2023 par rapport à 2022, pour une valeur de 2,55 milliards d’euros, soit près de 27,8 milliards de dirhams. D’après les statistiques d’Eurostat, 2024 n’échappe pas non plus à cette tendance baissière étant donné que ces exportations marocaines ont enregistré un repli de 4% au cours du premier trimestre de l’année en cours. Cette régression se chiffre à 598,49 millions d’euros, l’équivalent d’environ 6,4 Mds de dirhams.
Comment peut-on expliquer cette situation ? L’inflation en est-elle partiellement responsable? C’est ce que nous a confirmé une source autorisée au ministère de l'Industrie et du Commerce.
L'inflation a son rôle à jouer…
«La légère baisse des exportations du secteur textile vers l'Europe au titre du 1er trimestre revient à une diminution des commandes des donneurs d'ordres européens, qui se sont retrouvés avec des stocks invendus à cause de l'inflation qui a généré une baisse importante de la consommation des articles d'habillement en Europe», explique notre source. Et de poursuivre : «Au titre de l'année 2023, le secteur textile a réalisé un record à l'export de 46,2 milliards de dirhams. De plus, cette légère baisse ne doit pas inquiéter quant à la performance du secteur textile marocain qui continue d’être le premier employeur industriel au Maroc, avec 235.000 emplois en 2023, selon la CNSS. Ce secteur a démontré sa résilience à plusieurs ondes de choc, notamment la crise du Covid, et se positionne toujours en tant qu'acteur majeur dans le sourcing international textile».
Les explications du ministère suggèrent que la situation n'est pas très alarmante. Cette affirmation est en quelque sorte soutenue par les données d’Eurostat, qui démontrent que le Royaume parvient tout de même à maintenir son rang de 8ème fournisseur d’habillement de l’Union européenne et de 1er exportateur africain d’habillement vers le marché communautaire. Eurostat indique en outre que le Maroc figure parmi les principaux fournisseurs de l’UE dans le segment du milieu de gamme, aux côtés du Vietnam, de la Turquie et de la Tunisie. Dans cette même veine, Meriem Rachdi, Directrice générale du Moroccan Denim and Fashion Cluster (MDFC), assure que, dans l’ensemble, le secteur du textile, de l’habillement et du cuir se porte bien. En revanche, la DG du MDFC estime qu’il est indispensable d’accroître la capacité d'exportation vers des marchés inexplorés.
«Nous avons besoin de travailler notre capacité d’exportation vers de nouveaux marchés, avec plus d'agressivité commerciale et plus d’investissement dans l’amont, notamment dans les activités de finissage et d’ennoblissement de tissus. Il faut aussi marketer le secteur à sa juste valeur vis-à-vis de la génération Z, pour attirer les talents au niveau créatif et commercial». Dans le même ordre d’idées, Meriem Rachdi met la lumière sur la nécessité de stimuler le développement des jeunes marques. «Par rapport à notre scope de travail au cluster, nous sommes convaincus que l’innovation est un levier important de compétitivité; il faut trouver les bons mécanismes pour inciter les TPME à adopter des projets R&D. De surcroît, il faut aussi encourager les jeunes marques à fort potentiel dès leur création, à travers des programmes d’incubation et d’accélération dédiés à la mode».
Dans ce sens, le MDFC a récemment lancé, conjointement avec l’Association des alumni de l’ESITH, le programme «The Fixers», visant à booster l’innovation et à encourager les solutions concrètes répondant aux problématiques du secteur. Ce programme, soutenu par le Fonds d'appui aux clusters du ministère de l'Industrie et du Commerce, ambitionne également de renforcer la compétitivité des entreprises et d’améliorer les exportations marocaines.
