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Hassan Boubrik: Préjugé favorable pour le nouveau patron de la CNSS

Hassan Boubrik: Préjugé favorable pour le nouveau patron de la CNSS

 

A la tête de l’ACAPS, il a su convaincre et fédérer les professionnels du marché.

Généralisation de la couverture sociale, gestion du Ramed, réforme des retraites : c’est du lourd qui l’attend à la CNSS.

 

Par D. William

 

Le Roi Mohammed VI a nommé, le 11 février, Hassan Boubrik nouveau Directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Le désormais ex-patron de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) troque donc sa tunique de gendarme du marché des assurances pour celui de gestionnaire. Il ne s’aventure pas pour autant en terrain inconnu. Car, en tant que patron de l’ACAPS, il assurait aussi le contrôle et la supervision des différentes caisses de retraites. Aujourd’hui, il passe de l’autre côté de la barrière. Un poste taillé pour lui ? On peut le croire, et cela pour deux raisons.

Primo : Après 5 ans à la tête de l’ACAPS, il a su, incontestablement, faire l’unanimité en réussissant à fédérer toute la profession autour des missions de régulation qu’il devait mener. Cet homme affable a, en effet, toujours privilégié le dialogue consensuel et le pragmatisme comme socle des chantiers réglementaires majeurs qu’il a enclenchés. Et c’est en étant à l’écoute profond des professionnels du marché qu’il a pu, petit à petit et successivement, poser les briques visant à mettre en conformité la supervision du secteur des assurances avec les normes internationales.

Le déploiement en douceur de la Solvabilité basée sur les risques (SBR), avec ses trois piliers, s’inscrit dans ce cadre. Tout comme l’IFRS 17, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2023, avec la nécessité pour un marché de l’assurance comme celui du Maroc (deuxième en Afrique et 3ème dans le monde arabe), qui génère un chiffre d’affaires de 46,7 Mds de DH, d’adopter les standards internationaux en termes de comptabilité. S’il y a eu adhésion des professionnels autour de ces chantiers structurants, c’est que Boubrik a donc su faire preuve de tact et d’écoute.

Secundo : Ce natif d’Agadir ne débarque pas à la CNSS l’escarcelle vide, institution qu’il connaît parfaitement bien. En étant à l’ACAPS, il avait déjà une idée précise au moins sur un chantier auquel il faudrait s’attaquer : la générosité de la Caisse, d’autant que le rapport annuel 2019 sur le secteur de la prévoyance sociale relève qu’un affilié moyen de la CNSS perçoit un montant de prestations en valeur actualisée correspondant à 2,3 fois le niveau du montant qu’il a cotisé, ce qui dénote d’une grande sous-tarification des droits accordés.

Et ce, même si cette sous-tarification du régime est en partie compensée par le fait que la Caisse bénéficie d’une fraction de cotisations sans contrepartie de droits, eu égard au mode d’acquisition des droits en vigueur, notamment pour les affiliés dont la période d’affiliation est courte ou longue. Raison pour laquelle Boubrik préconisait de déplafonner, ou au moins d'augmenter le plafond des cotisations de régimes comme la CNSS.

«Je pense qu'il faut ouvrir le débat sur ce que doit être l'assurance de base. Aujourd'hui, les couvertures sont élevées. Il y a ce qui doit être couvert par la mutualisation, une couche qui peut être couverte par des mécanismes de marché et une troisième couche plus complémentaire : c'est un débat qu'il faudra poser sereinement», affirmait-il dans nos colonnes en 2019.

Des défis de taille

A 53 ans, Hassan Boubrik devra faire appel à toute son expérience et son expertise pour assumer ses nouvelles fonctions au sein de la CNSS. Il jouit certes d’un préjugé favorable, au regard notamment du travail effectué au sein de l’ACAPS, mais aussi de sa fine connaissance du secteur des assurances et de la prévoyance sociale.

Mais «secouer» le mammouth qu’est la CNSS nécessitera bien plus. Il faudra non seulement qu’il porte en bandoulière son diplôme de statisticien-économiste, mais qu’il soit aussi fin tacticien face aux réticences aux changements et aux enjeux socioéconomiques sur la balance. Il faut rappeler, en effet, que la nomination de Boubrik intervient à un moment où, sous l’impulsion du Souverain, le Maroc a ouvert un chantier social ô combien important : la généralisation de la protection sociale au profit de tous les Marocains d’ici 5 ans; un projet qui va nécessiter une enveloppe globale de 14 Mds de DH à mobiliser sur deux ans (2021-2022), selon le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun. Ce projet sociétal d’envergure a pour principaux objectifs :

• la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base durant les années 2021 et 2022, pour en faire bénéficier 22 millions personnes supplémentaires;

• la généralisation des allocations familiales durant les années 2023 et 2024;

• l’élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite pour inclure les personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d’aucune pension;

• et la généralisation de l’indemnité pour perte d'emploi durant l'année 2025 pour couvrir toute personne exerçant un emploi stable. C’est à ce titre que la gestion du régime d’assistance médicale (Ramed) a été confiée à la CNSS, dans le cadre du nouveau régime obligatoire d’assurance maladie.

Et certains observateurs s’interrogent déjà sur la capacité de la CNSS à gérer le Ramed, un régime pour le moins complexe, qui a montré ses limites et qui souffre de nombreux dysfonctionnements. Et, sans aucun doute, la gestion par Boubrik de ce dossier sera scrupuleusement scrutée par les observateurs avertis, surtout dans un contexte où il faudra améliorer la gouvernance de la CNSS (secteur privé) et celle de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (secteur public), dans l’objectif d’ériger, selon Benchâaboun, «un pôle unique de la couverture sociale au Maroc».

Dès lors, si l’on peut imaginer que la nomination de Hassan Boubrik est une consécration, voire une juste récompense des efforts et du travail jusque-là accomplis, difficile pour autant de l’envier, vu l’énormité des chantiers qui l’attendent. Chantiers qu’il devra engager avec lucidité, loin de tout engagement émotionnel, et auxquels s’adjoint une réforme majeure à venir : celle du système des retraites. Abdellatif Mortaki, qui était jusque-là DG par intérim de la CNSS, se veut néanmoins optimiste.

Lors de la cérémonie d’installation du nouveau patron de la Caisse, qui a eu lieu lundi dernier, Mortaki a notamment souligné que «Hassan Boubrik devra enrôler 22 millions de personnes en deux ans, mais il prendra très vite ses marques d’autant qu’il connaît bien la maison», Boubrik ayant notamment siégé au Conseil d’administration de la CNSS au cours de ces 5 dernières années.

 

Réforme des retraites : L’autre patate chaude
La réforme des retraites est toujours dans les bacs, même si elle a été éclipsée par la crise sanitaire. Mais, même sans la crise, le gouvernement n’aurait pas pris le risque d’engager une réforme aussi impopulaire en cette année d’élections législatives. Rappelons que la réforme paramétrique du régime des pensions civiles a été initiée en 2016. Depuis, sous la pression des syndicats très remontés, on repousse sans cesse la seconde phase de la reforme devant aboutir à deux pôles : public (CMR et RCAR) et privé (CNSS et CIMR). Et dans la perspective de cette réforme systémique, la CNSS avait sollicité un cabinet international pour une étude sur des scénarii possibles. A noter que selon le rapport annuel 2019 sur le secteur de la prévoyance sociale publié par l’ACAPS, la branche retraite de la CNSS connaitrait une évolution importante des prestations qui atteindraient 472,5 Mds de DH en 2079, sous l’effet de l’évolution du nombre des actifs cotisants et de l’hypothèse relative à l’évolution des salaires du secteur privé. Sur la période de projection, les prestations enregistreraient une évolution annuelle moyenne de 6,3% contre 4% pour les cotisations, qui s’établiraient à 131,9 Mds de DH à l’horizon des projections. Le solde global de la CNSS enregistrerait son premier déficit en 2029, alors que les réserves s’épuiseraient, quant à elles, en 2046.

 

 

 

 

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