Après une pause en 2020 liée à la pandémie de Covid-19, le Forum Centraliens Supélec a fait son grand retour pour une 7ème édition, qui s’est tenue les 13 et 14 novembre 2022 à Casablanca, sous le thème : «Quelle planification urbaine pour une ville durable ?».
Au cours des dernières décennies, le Maroc a connu de profondes transformations telles que la transition démographique, l’urbanisation fulgurante des villes ou encore les flux migratoires (exode rural et immigration subsaharienne). De ce fait, de nouveaux défis ont surgi notamment la métropolisation, la crise sanitaire, la résilience des territoires, l’insécurité urbaine, la vulnérabilité des ressources naturelles au changement climatique, etc. Ces éléments ont en effet mis la pression sur les décideurs pour entrevoir des solutions innovantes dans le but dʼassurer aux villes marocaines un développement harmonieux.
Consciente de l’importance de cette thématique, l’Association des Centraliens et Supélec du Maroc (ACSM) a choisi de consacrer la première journée de l’événement à des ateliers dédiés, autour de 4 axes, à savoir «la planification urbaine : reengineering du processus et de la gouvernance», «la planification urbaine et lʼinclusion socioéconomique et le bien-être», «la planification urbaine et les défis de la mobilité» et «la planification urbaine et les enjeux de la durabilité».
«Notre objectif est de lancer le débat et décortiquer les moyens susceptibles de transformer les grands défis en opportunités de développement pour les villes marocaines. Il s’agit également de sensibiliser les différentes parties prenantes à propos des principaux enjeux de la ville, et de prospecter des pistes pour améliorer le processus de la planification urbaine et produire des recommandations pragmatiques à destination des décideurs, pour une ville durable», a souligné Said Elbaghdadi, président de l’ACSM.
Ces ateliers auxquels a participé une centaine d’experts, se sont soldés par la formulation de plusieurs recommandations, dévoilées lors de la deuxième journée de cette rencontre. Celles-ci s’articulent autour de quatre axes clés pour appuyer la planification urbaine durable.
De manière globale, les recommandations invitent à promouvoir une nouvelle approche de la planification urbaine qui intègre la prise en compte des effets du changement climatique et des principes de durabilité; les enjeux de la nouvelle mobilité, la levée du tabou de la hauteur et enfin une approche centrée autour du citoyen et qui encourage l’inclusion et la mixité sociale et fonctionnelle.
Elles appellent également au développement de villes intermédiaires qui seraient dotées d’équipements et de services à même d’augmenter leur attractivité.
Elles invitent en outre à s’inspirer de pratiques ancestrales d’urbanisation et notamment du concept des médinas, tout en se tournant vers les expériences les plus réussies au niveau national et international.
Ces recommandations considèrent également l’opérationnalisation comme étant un véritable nerf de la guerre permettant de mettre en place des villes réellement modernes et intelligentes. Elles appellent ainsi à encourager et systématiser des revues périodiques des documents d’urbanisme, tout en tenant compte des remontées du terrain à condition qu’elles soient fiables et actualisées, en plus de re-focaliser les efforts des agences urbaines autour de la prospective et autour de projets structurants.
Elles mettent également en exergue la question de la sécurisation dans la réalisation des infrastructures communes à travers la mise en place de mécanismes réussis.
Par ailleurs, ces recommandations invitent aussi à réfléchir à la mise en place d’une instance nationale qui serait en charge d’identifier les orientations stratégiques, tout en revisitant le cadre juridique et en facilitant la subsidiarité, la déconcentration et la collaboration des parties prenantes nationales et territoriales entre elles via la mise en place de passerelles réservées aux documents de planification territoriale.
Une autre remontée importante suite à ces travaux fut celle relative à la nécessité de créer un conseil auprès des communes et régions. Une telle instance serait composée de scientifiques, de sociologues, d’anthropologues et d’urbanistes. Elle permettrait notamment de soutenir et d’appuyer le développement territorial durable.
Sur le plan des ressources humaines, les recommandations se sont penchées sur le renforcement des compétences des élus et de l’administration territoriale ainsi que la promotion de la formation initiale et continue dans les métiers de la planification urbaine durable.
S’exprimant lors de la séance plénière du Forum, organisée lundi 14 novembre, Said Ahmidouch, wali de la région de Settat-Casablanca, gouverneur de la préfecture de Casablanca, a relevé que «les politiques mises en place jusqu’à présent en matière de planification urbaine sont des politique uni-dimensionnelles qui montrent vite leurs limites. La planification urbaine doit être multidimensionnelle, elle ne doit pas se baser uniquement sur l’habitat mais plutôt sur plusieurs autres secteurs, dont celui du transport».
De son côté, Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a rappelé le constat établi par le Conseil concernant la transition vers des villes durables. «Il s’agit d’un constat alarmant selon lequel l’offre actuelle de la ville en matière de durabilité enregistre plusieurs déficits. Premièrement, la ville marocaine n’est pas érigée en projets de société communs suffisamment démocratisés, partagés et appropriés par ses citadins. Deuxièmement, le système de gouvernance est jugé déficient et inadapté aux enjeux et exigences de la ville durable, particulièrement pour les métropoles. Troisièmement, la planification urbaine est entachée d’insuffisances en matière de durabilité, de convergence et d'intégration au niveau régional et national. Quatrièmement, le suivi de l’atteinte des objectifs de développement durable et de l’agenda 2030 n’est pas pris en compte dans les phases d’élaboration et d’évaluation des programmes de développement des villes. Cinquièmement, la ville marocaine a du mal à procurer à ses citoyens le sentiment de bien-être, de mixité sociale et de développement culturel. Sixièmement, l’espace public n’est pas sûr pour les femmes, ce qui entrave l’intégration de leur potentiel dans le tissu économique. Et enfin, l’inefficience de la gestion des moyens fonciers, humains et financiers de la ville ne contribue pas à son développement durable», a-t-il précisé.
Rappelons que l’Association des Centraliens et Supélec du Maroc, qui regroupe les anciens des écoles Centrale Paris, Supélec Paris, CentraleSupélec Paris ainsi que les lauréats de l’Ecole Centrale Casablanca, est à l’origine de plusieurs conférences et événements visant à développer les échanges entre l'École et les professionnels opérant dans des secteurs d’activités clés dans le développement économique du pays.
M. A. O.