Si le partenariat entre le Maroc et l’Union européenne est qualifié de «fiable» et «indispensable», il est aujourd’hui mis à l’épreuve par une série de décisions et d’attitudes européennes qui interrogent. Le Royaume, las des tergiversations et des discours creux, réclame des preuves tangibles d’engagement. Et il a bien raison.
Par David William
À Rabat, lors de sa rencontre le 25 novembre 2024 avec Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Oliver Varhelyi, commissaire européen à la Politique de voisinage et à l’Elargissement, n’a pas tari d’éloges sur le Maroc. Pilier de stabilité, allié stratégique, partenaire indispensable : les superlatifs ne manquent jamais dans les discours européens. Mais derrière cette rhétorique flatteuse, les contradictions abondent.
En effet, comment qualifier de stratégique un partenaire que l’on laisse exposé aux assauts juridiques et politiques ? La récente annulation des accords de pêche et d’agriculture par la Cour de justice de l’UE (CJUE) en est un parfait exemple. Cette décision, sous couvert de défendre les droits du «peuple du Sahara occidental», reflète une certaine incohérence européenne. Car le Sahara marocain est un et indivisible, et l’intégrité territoriale du Royaume est une ligne rouge indiscutable pour Rabat. Il faut dire que l’UE excelle dans l’ambiguïté. D’un côté, elle affiche son souhait de renforcer sa coopération avec le Maroc. De l’autre, elle laisse ses institutions judiciaires pervertir cette relation par des décisions qui défient toute logique.
A Bruxelles, certains semblent avoir oublié que le Maroc est un partenaire clé, non seulement pour la région, mais aussi pour l’Europe elle-même. Le problème, comme souvent, réside dans les dynamiques internes de l’Union. Avec ses 27 membres et autant de visions parfois divergentes, l’UE ressemble à un orchestre sans chef d’orchestre. Une cacophonie où se mêlent les voix des partisans d’un partenariat solide avec le Maroc et celles des défenseurs d’une posture juridique rigide, souvent dictée par des considérations idéologiques ou des pressions extérieures.
Les ombres algériennes
Derrière cette confusion européenne, on retrouve l’ombre bien connue de l’Algérie. Grand mécène du Polisario, Alger n’a de cesse de multiplier les manœuvres pour tenter d’isoler le Maroc sur la scène internationale. En coulisses, elle s’essaie à manipuler les institutions européennes, notamment à travers des campagnes judiciaires visant à fragiliser les accords bilatéraux. Le Maroc, lui, a compris ce jeu pervers et reste inflexible. La position du Royaume est claire : sa souveraineté sur le Sahara est non négociable. Dans son discours à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte, le Roi Mohammed VI a été sans équivoque : aucun partenariat, aussi lucratif soitil, ne se fera au détriment de l’intégrité territoriale du Royaume. Cela dit, il serait réducteur de résumer les relations maroco-européennes à ces tensions.
Sur bien des sujets, les deux parties collaborent étroitement. Qu’il s’agisse de la gestion des flux migratoires, de la lutte contre le terrorisme ou du développement régional, le Maroc et l’UE partagent des intérêts communs. Les projets de réforme menés au Maroc, comme celui de la sécurité sociale, bénéficient même du soutien actif de Bruxelles. Tout autant, les deux parties ont signé, le lundi dernier à Rabat, une convention de financement de 190 millions d'euros (près de 2 milliards de dirhams) pour le programme intégré de reconstruction et de mise à niveau des zones sinistrées (2024-2028) par le séisme d’Al Haouz. Cette convention vient compléter un premier versement de 380 MDH (35,6 millions d’euros) effectué en décembre 2023, portant ainsi l'aide totale de l’UE à plus de 2,4 Mds de DH en dons (225 millions d’euros).
Mais ces avancées ne peuvent occulter une vérité : la confiance, essentielle à toute relation, est aujourd’hui érodée. A force de naviguer entre louanges publiques et actes contradictoires, l’Europe donne l’impression d’un partenaire qui parle beaucoup, mais agit peu. Et Rabat, pragmatique, commence à s’impatienter. Le message du Royaume est limpide : il est temps que l’UE mette en cohérence ses paroles et ses actions. Car si les mots séduisent, ce sont les actes qui bâtissent les ponts. Comme l’a souligné Nasser Bourita, «la balle est désormais dans le camp de l’UE». Pour prouver son attachement à ce partenariat, Bruxelles devra dépasser les simples déclarations d’intention. Il faudra des actes forts. Ce n’est pas qu’une question de principe.
C’est une question de crédibilité. Comment prétendre être un partenaire stratégique si l’on ne défend pas ses alliances face aux pressions extérieures? Comment se positionner en acteur global si l’on cède à chaque fois qu’un lobby ou un Etat tiers élève la voix ? De toute évidence, l’Europe a beaucoup à perdre en fragilisant ses liens avec le Maroc. Au-delà des aspects économiques, c’est l’ensemble de la coopération régionale qui est en jeu. Dans un contexte mondial marqué par les crises et les incertitudes, le Maroc reste un allié indispensable pour l’Europe, que ce soit en Afrique ou en Méditerranée. Rater cette opportunité de consolider ce partenariat serait une erreur stratégique majeure.