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Paul Biya : Au pouvoir… jusqu’au dernier souffle

Paul Biya : Au pouvoir… jusqu’au dernier souffle

Je suis candidat à ma propre succession». La phrase, froide, a été sobrement postée sur le compte X de Paul Biya, le dimanche 13 juillet. Le président camerounais, 92 ans, a donc décidé de briguer un huitième mandat. Un de plus. Un de trop ?

Depuis 1982, l’homme occupe le sommet de l’Etat. Quarante-trois années de règne.

Autant dire une éternité à l’échelle de la vie politique moderne, surtout dans un pays où 62% de la population ont moins de 25 ans et n’ont connu que lui comme président.

On aurait pu croire que l’âge, la lassitude et simplement le bon sens viendraient tempérer ses ardeurs. Il n’en est rien. Paul Biya s’accroche encore, malgré ses longues absences, ses rares apparitions et ses silences abyssaux.

Et pourtant, le Cameroun continue de tourner autour de sa figure. Inlassablement. Dans ce pays riche de sa jeunesse, doté de ressources naturelles abondantes, mais rongé par la pauvreté, le pouvoir a cessé d’être un instrument au service du développement économique pour devenir un mécanisme de survie.

Clientélisme, corruption, népotisme et verrouillage du débat public : le système Biya s’est lentement fossilisé, jusqu’à ne plus laisser place à aucune alternative.

L’opposition camerounaise reste divisée, souvent engluée dans des querelles d’ego et incapable de s’unir autour d’un projet commun. Il n’y a pas de dauphin. Pas de débat structurant. Seulement une longue attente. Celle d’un départ qui n’arrive jamais.

Et pendant ce temps, le Cameroun tangue. L’économie bat de l’aile, le chômage des jeunes frôle des sommets indécents (74%, selon la Commission de l'éducation à l'Assemblée nationale) et l’accès à l’eau potable ou aux soins reste un luxe dans bien des régions.

A cela, s’ajoute la crise dans les zones anglophones, avec des affrontements meurtriers qui poussent de nombreux habitants à l’exode.

 

L’Afrique et ses présidents éternels

La candidature de Paul Biya n’est ni une surprise ni un cas isolé. Elle est le propre de certains pays africains où l’alternance reste une anomalie et la longévité une vertu politique.

En effet, l’Afrique contemporaine, c’est aussi le continent des dirigeants indéboulonnables. Son voisin de la Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema, 83 ans, est au pouvoir depuis 1979, soit 46 ans. Yoweri Museveni (81 ans), en Ouganda, dirige le pays depuis quatre décennies et vise un septième mandat.

Le défunt président zimbabwéen Robert Mugabe avait atteint les 93 ans avant d’être chassé comme un malpropre en 2017.

Dans ces pays, le pouvoir est presque vu comme un patrimoine à transmettre à la descendance par des dirigeants qui ont en commun l’impossibilité d’imaginer une vie en dehors des fastes et du confort du palais présidentiel.

A ce stade, on ne parle plus d’ambition politique, mais d’une véritable pathologie du pouvoir.

Et pourtant, les signaux sont clairs. Le continent est traversé par un vent de colère, car cette obstination à gouverner jusqu’au dernier souffle a rarement produit des lendemains heureux.

Ces dernières années, le bruit des bottes a en effet remplacé celui des urnes dans une série de coups d’Etat qui ont secoué le Sahel et l’Afrique centrale : Gabon (30 août 2023), Niger (26 juillet 2023), Burkina Faso (24 janvier et 30 septembre 2022), Soudan (25 octobre 2021), Guinée (5 septembre 2021) et Mali (18 août 2020). 

Les motifs évoqués sont souvent les mêmes : des élections biaisées, des présidents usés et une population désabusée. Et puis, une nuit, des militaires prennent le micro et annoncent qu’ils viennent «sauver la démocratie».

Au Gabon, le dernier en date, Ali Bongo, héritier d’un pouvoir familial vieux de 55 ans, a été remercié sans effusion de sang. Fils de président, lui-même président, puis président déchu.

Un putsch «propre», accueilli par les vivats de la foule qui ont rendu inaudible son lamentable «make noise», appel au secours lancé à ses soi-disant «amis».

Alors, Paul Biya espère-t-il vraiment mourir président ? Croit-il pouvoir, par la force de l’habitude, déjouer l’usure du temps ?

Peut-être. Mais, concrètement, ce huitième mandat, s’il se concrétise, sera-t-il bien différent des précédents ? Pas du tout sûr.

Pourtant, d’un côté, les partenaires étrangers, longtemps tolérants, s’impatientent.

De l’autre, les jeunes camerounais, même désabusés, attendent et veulent le changement. C’est pourquoi la parole se libère de plus en plus sur les réseaux sociaux, où la moindre sortie présidentielle déclenche sarcasmes et moqueries.

Biya est l’un des rares hommes d’Etat dont on guette plus souvent les signes vitaux que les discours officiels.

Bref, il fut un temps où les anciens présidents africains prenaient leur retraite dorée sur une plage, en ambassadeur.

Aujourd’hui, certains refusent toute alternance, toute transmission et tout partage au nom, arguent-ils, de la stabilité politique, avant d’être rattrapés par le vacarme du peuple ou le claquement des fusils.

On ne quitte plus le pouvoir, on y est arraché. Et cette réalité, aussi glaçante soit-elle, devrait faire réfléchir tous ces dirigeants qui s’y agrippent. Parce que les peuples finissent toujours par se réveiller. Les armées aussi. 

 

Par D. William

 

 

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